Rencontre avec Antoine Dupont, capitaine du XV de France : “Notre équipe a donné de l’espoir” (Midi-Libre)
C’est la star annoncée de cette Coupe du monde 2023 organisée en France. Antoine Dupont s’y prépare depuis quatre ans. Nous l’avons rencontré lors d’un passage à Béziers au début de la préparation. En, toute simplicité.
Qu’est-ce que ça fait de voir les enfants se retourner sur vous, la larme souvent à l’œil ?
Je m’imagine petit croisant Michalak, Poitrenaud, Wilkinson ou Dan Carter. J’ai du mal à me rendre compte que je représente ça pour eux aujourd’hui. C’est dur d’inverser les rôles. Je vois bien quand je les croise qu’ils ont l’air contents. Donc j’essaie de prendre du temps avec eux.
Si je vous dis que depuis Sébastien Chabal, il n’y a pas eu un joueur de rugby français avec une telle notoriété…
Sébastien, c’était surtout pour l’extrasportif (rires). Moi, je suis fier d’être reconnu sur ce que je fais sur le terrain. Depuis quelques années, cette notoriété est grandissante, je m’en rends bien compte. Grâce à l’équipe de France qui est revenue au premier plan. Les supporters attendaient ça. Les fans d’autres sports commencent à nous suivre. Notre équipe a donné de l’espoir. Avec cette Coupe du monde en France, qui attire les regards sur nous, j’ai été mis en avant. Et comme ça s’est plutôt bien passé pour moi, je suis devenu la tête d’affiche qu’il manquait au rugby français.
Vous avez pris le pouvoir.
Ce n’était pas une volonté de ma part. C’est lié aux performances. Ma priorité a toujours été le terrain. Et c’est grâce à lui que j’ai pu évoluer dans d’autres secteurs. Pour le moment ça se passe plutôt bien.
Phénomène, super héro, star du rugby français (mondial), ça ne vous donne pas le vertige tous ces qualificatifs ?
Non pas vraiment. Je ne fais pas attention à ça. Je sais où j’en suis et ce que j’ai envie de faire. Je suis encore jeune. J’ai pas mal d’années (à jouer) devant moi. Quand, comme la saison dernière, vous ne gagnez rien avec le Stade (Toulousain), ça vous motive pour repartir. Là, il y a cette Coupe du monde, l’objectif d’une vie.
Ce statut, c’est aussi beaucoup de pression, non ?
Oui et non. Dès lors que tu commences à être performant, dans quelques secteurs que ce soient, les gens s’habituent et n’acceptent pas que tu baisses de régime. Mon exigence personnelle ne me le permet pas non plus. Si mon niveau de performance baisse, je ne suis pas satisfait. La pression, je n’ai pas besoin des autres pour me la mettre.
Elle va monter en puissance d’ici au 8 septembre et le match d’ouverture face aux Blacks.
Je n’ai pas de problème avec ça. Nous (les joueurs) avons envie de gagner cette Coupe du monde bien plus que nos supporters.
Quand Fabien Galthié, votre sélectionneur, vous a vu pour la première fois, il aurait déclaré : “Ce garçon va jouer en équipe de France très vite et longtemps”. Petit, vous vous disiez ça aussi ?
Non, jamais de la vie. Le dernier international de mon village (Castelnau-Magnoac, dans les Hautes-Pyrénées) ça remonte aux années 20 (rires).
En même temps c’est un petit village ?
Ça me semblait tellement loin, inaccessible. Je ne me suis jamais posé la question à vrai dire. Dans mon petit club, à Castelnau-Magnoac au Magnoac Football Club, puis après à Lannemezan, Auch ou Castres, je n’étais pas la star locale. Au fur et à mesure, j’ai commencé à performer, à intégrer les équipes de France jeunes. Mais entre les jeunes et la “grande” il y a tellement de marches que je ne me suis jamais projeté. Même quand je suis devenu professionnel, je ne pensais pas à l’équipe de France. C’est arrivé parce que ça devait arriver.
Qu’est-ce qu’il reste du Toto (son surnom) de Castelnau ?
Beaucoup de choses. Le joueur que je suis sur le terrain s’est construit à Castelnau-Magnoac. C’est là où j’ai passé le plus de temps avec un ballon dans les mains. Tous les réflexes, les attitudes que j’ai en moi aujourd’hui, elles ont été façonnées sur ce petit terrain quand j’avais 10 ans. Il y a mon éducation aussi. Je suis encore très proche de tous mes potes d’enfance. Lors de la dernière finale du Championnat de France, ils étaient 25 en tribunes. Qu’est-ce qui a changé ? Je joue juste dans des stades plus grands.
Vous arrive-t-il d’avoir peur sur un terrain ?
Peur non. Il y a de la pression, de l’appréhension avant un match. Une petite boule au ventre. Ça peut être pesant. Mais après le coup d’envoi, c’est parti et ça devient presque automatique. C’est là où je me sens le plus à l’aise, où je m’exprime le mieux.
Revenons à ce match d’ouverture. Est-ce une bonne chose de démarrer contre les Blacks ?
C’est une affiche de rêves pour tous les amateurs de rugby. Ça fait saliver. Si le stade comptait 300 000 places, il serait plein à craquer. Qu’on les joue en premier, en dernier, ça ne change pas grand-chose. Si on veut arriver au bout, il faut être capables de battre tout le monde. Il n’y a pas de bon ou de mauvais tirage au sort.
Si je vous dis que ces Blacks nous font moins peur que d’habitude…
C’est sûrement vrai. Cette génération est moins dominante. Elle perd un peu plus de matches. Mais ce serait une erreur de les sous-estimer. Parce que les Blacks sont toujours capables de faire de grandes choses, parce qu’il y a des joueurs de qualité à tous les postes, une expérience incomparable de la compétition. Parce qu’ils sont triple champions du monde.