Histoire
« Un centenaire d’ovalie en Magnoac – 1908-2008 »
Le livre de Jean-Louis Ibanez
Mon premier contact avec le «Magnoac Football Club» remonte au 26 avril 2003. C’était à l’église de Castelnau-Magnoac pour la cérémonie des funérailles de Joseph Bousquet. Homme apprécié, fidèle dirigeant du club, «Jojo», comme l’appelaient ses nombreux amis, venait de quitter ce monde d’ici-bas bien prématurément et bien subitement ! A l’issue des obsèques, la quasi-totalité des joueurs et des dirigeants, avaient pris place au chœur de l’église pour lui dédier un chant très émouvant «L’oiseau Blanc». Son ami le Père Yves Laguillony, curé et président du club, très affecté, dirigeait les couplets. Je n’ai pas connu Jojo en tant que dirigeant car mon arrivée au club ne date seulement que de juillet 2003 comme suite à la proposition que m’adressa, à cette époque, le Père Laguillony. En revanche, j’ai bien connu Jojo dans mon village de Campuzan. Il y exerça son métier de facteur pendant plus de vingt ans… C’est donc en souvenir de lui que je souhaite lui dédier ce livre.
Je n’oublie pas ceux des générations passées qui ne sont plus : joueurs, supporters, entraîneurs, éducateurs, dirigeants. Je pense tout spécialement aux joueurs partis trop tôt accidentellement ou tombés sur le terrain. Que ce livre soit pour eux un témoignage de respect d’un club sportif reconnaissant ! Pour des raisons évidentes, il ne m’a pas été possible de les citer tous. Ils sont symboliquement présents avec nous dans ce récit. Qui sait ? Peut-être même que, de l’autre monde, ils refont bien des matchs ! La récente stèle dressée au stade Jean Morère en leur honneur, inaugurée le 18 mars 2007, est aussi un beau témoignage de respect et de mémoire.
Jean-Louis Ibanez
Avertissement
L’objectif de ce récit a été de mettre en lumière celles et ceux qui ont fait le MFC, des joueurs aux supporters sans oublier les dirigeants. Évidemment, il n’a pas été possible de citer tout le monde sur autant de décennies mais aussi en raison de la pauvreté déconcertante d’archives tant au sein même du club qu’au niveau des autres instances : comité territorial, archives publiques… La presse d’époque a donc été d’un vénérable secours. Hélas, peu loquace avant les années 1950, elle n’a pas permis de détailler précisément les années antérieures à 1940. Quelques aînés, notamment René Despaux, ont contribué à l’élaboration de cet ouvrage en livrant leurs précieux souvenirs d’enfance et de jeunesse.
«MFC» ou «Magnoac Football Club»: Le patronyme d’une famille
«Ah, mais c’est le foot ?»
«Ah, non madame, c’est le rugby de Castelnau-Magnoac !»
«Le rugby ? Pourquoi alors “Magnoac Football Club” sur ce calendrier ?»
Plusieurs fois, j’ai entendu ces interrogations à l’occasion de certaines tournées annuelles de distribution des almanachs du MFC ! Pourquoi pas “Magnoac Rugby Club ”ou toute autre appellation ? La question, au premier abord, semble bien légitime. Et pourtant, celles et ceux qui aiment ce club sportif sont fiers de l’appeler MFC car ce nom les relie à toute une histoire, il fait partie intégrante d’un certain patrimoine local à l’instar du patronyme pour une famille. Beaucoup de commerces savent bien que leur raison sociale est très souvent un élément important de communication et de marketing. Nous concernant, le nom de notre club est le mot qui résume à lui seul cent ans de rugby en Magnoac et qui fait aussi vibrer bon nombre de cœurs.
Pour appréhender nos héritages actuels, la plus parfaite des solutions est de fouiner dans le passé, avec parfois une inévitable nostalgie… C’est vrai: le passé nous renvoie toujours les visages de nos chers disparus mais il nous renvoie très souvent aussi leurs sourires. Alors, chers lecteurs, je vous invite à remonter le temps pour cerner tout d’abord l’origine de la dénomination du club de rugby de Castelnau-Magnoac. Les passionnés du ballon ovale connaissent déjà la raison de cette appellation. Mais, se livrer à une rapide interprétation de cette appellation, du moins pour les autres lecteurs, va vite nous pousser à approfondir le sujet et à saisir ainsi comment le rugby est apparu chez nous, dans ces terres de Bigorre et d’Armagnac et surtout, pourquoi et comment le rugby a élu durablement domicile dans notre cher Magnoac.
«C’était quand papy ?»
«C’était au début du XXe siècle. En 1906 ou 1908 ! Enfin, je ne sais pas trop !»
Papy qui a pourtant vécu beaucoup d’évènements dans sa longue existence et qui d’habitude est une vraie bibliothèque vivante, peine à fournir une réponse précise. Il a connu tant d’épreuves, tant de progrès technologiques, tant de changements culturels et sociaux. Il aime les raconter à qui veut bien l’écouter ! Mais, pour le rugby magnoacais, il ne sait pas trop bien expliquer l’origine exacte. Il préfère parler en termes de traditions orales car, finalement, les plus belles histoires, ce sont les légendes.
Jeune enfant, papy entendait son propre père parler au coin du feu de cheminée, unique source de chaleur de la ferme, des joueurs de rugby du Magnoac. C’était l’époque où, plus que jamais, l’on pratiquait ce sport dans un esprit bien particulier: l’esprit de clocher. C’était à la Belle Époque, du temps des premières voitures motorisées et des premiers avions, du temps de grandes découvertes médicales… Une époque où tout le monde semblait heureux et toujours en fête dans un climat d’insouciance. Enfin, du moins sur les magnifiques tableaux ! C’était une époque légendaire !
C’était l’époque où l’on devait parcourir des distances à vélo (avec peut être ces impressionnantes bicyclettes constituées d’une grande roue devant et d’une petite à l’arrière) voire à pied pour aller disputer une compétition. Pour la petite histoire, on raconte que le 14 juillet 1900, les joueurs de rugby de Vic-en-Bigorre mirent trois heures pour rejoindre la ville de Tarbes lors d’un premier match l’opposant à une équipe tarbaise. Un des pionniers de la cinématographie aurait pu filmer une partie de ce déplacement. Nous pourrions alors visualiser un film en noir et blanc avec des sujets aux pas bizarrement accélérés comme dans tous les films muets de l’époque et ces films, fatigués par le poids des ans, laissent planer une impression générale d’enthousiasme. Ce serait marrant ! Imaginez très fort cette scène ! Vous l’imaginez ? L’essai est concluant ? Ensemble, nous allons donc pouvoir remonter le passé rugbystique de chez nous, le vivre comme si nous y étions. Enfin, presque !
Au fil de ce survol: des visages, des centaines et des centaines de visages, des espoirs portés ensemble, des craintes partagées, des déceptions et des larmes, des rancœurs qui divisent, des gestes fraternels, des solidarités et des joies intenses qui donnent à nos pauvres existences terrestres comme un goût d’éternité, en un mot: la VIE. Cette dernière va nous faire un clin d’œil. Elle va défiler sous nos yeux. Des regards bien précis vont alors nous apparaîtrent distinctement. Et que serait l’Histoire sans l’Homme? Que serait l’Histoire d’un club sportif sans les femmes et les hommes qui le composent ou qui l’on porté à bout de bras dans l’ombre ou la lumière ?
Aujourd’hui, nous sommes les héritiers de ces centaines et centaines de joueurs, éducateurs, bénévoles, dirigeants, supporters qui se sont succédés. Les années nous séparent bien sûr d’eux mais nous sommes toujours les maillons d’une même chaîne humaine. Découvrir l’origine de l’ovalie dans notre cher Magnoac va vite nous conduire à reconstituer cette grande chaîne. Ensemble, nous allons parcourir un siècle de rugby dans le Magnoac. Tout le monde est prêt ? Le coup de sifflet est donné ! Le rideau peut s’ouvrir.
La genèse du rugby
A la fin du XIXe siècle, on ne parlait pas vraiment de rugby, du moins en France. Ce sport n’est, en réalité, qu’un dérivé du football. C’est la raison pour laquelle, la plupart des clubs de rugby apparus au début du XXe siècle ont une dénomination comportant le mot «football». En effet, le terme de «football-rugby» va désigner le jeu avec les mains tandis que le «football-association» celui avec les pieds. Parfois même, en France, lors des débuts, on parlera de «football» uniquement pour désigner le «football-rugby».
Le rugby est donc apparu grâce au football mais il serait plus exact de dire que le rugby, dans son esprit, est issu de la soule. Tous ces sports collectifs ont un point commun: un ballon, une balle. Les jeux de balle sont très anciens. Ils remontent à l’Antiquité. Les amérindiens étaient déjà de grands adeptes de telles distractions. C’était, par exemple, le cas du peuple olmèque en Amérique qui jouait au «tlachtli»: deux équipes devaient faire passer une lourde balle de caoutchouc au travers de deux anneaux de pierre verticaux. Cela peut nous faire songer à une partie de basket dont les paniers seraient verticaux. En France, au Moyen Age, certains pratiquaient déjà la «soule» que nous venons d’évoquer. Le but de ce jeu: se disputer comme l’on peut une balle ou une vessie de porc pour l’amener en un point bien précis. Le jeu de «soule» faisait l’objet de grandes rencontres entres villages et les parties disputées n’étaient pas toujours de toute tendresse.
C’est en Grande Bretagne que le terme de «football» apparaît. Au collège de la ville de Rugby, en Grande Bretagne, à une distance d’environ cent cinquante kilomètres de Londres, seul le jeu au pied est toléré. Nous sommes en 1823. Mais voici qu’un jour de ce millésime, un dénommé William Web Ellis, élève du collège, dirige la balle vers les buts non pas avec ses pieds mais avec ses mains. Quel rebelle ! En courant, il transporte donc le ballon dans les lignes adverses. «Jeu de mains, jeu de vilains» pensent peut-être certains observateurs. Et par soucis d’organiser au mieux cette nouvelle activité décoiffant les sévères consignes scolaires de l’époque, les collèges anglais instaurent des règles précises de jeu. L’aventure est alors lancée… Le 26 janvier 1871, naît la «Rugby-Football Association» qui deviendra par la suite « Rugby Football Union». Le 22 juin 1871, les règles de jeu sont fixées. En 1875, de vingt joueurs, on passe à quinze et c’est à cette époque qu’est disputé le premier match international de rugby. L’Angleterre rencontre l’Écosse à Edimbourg. C’est à cette époque aussi que le rugby marque ses premiers essais en France.
Contrairement au football, le rugby, est le seul sport collectif de balle à faire appel à la fois aux mains et aux pieds… mais aussi à la tête, quand même ! Il est d’ailleurs judicieux de noter que ce sport est celui qui a le plus inspiré les artistes. La riche diversité des actions facilite forcément la créativité artistique. Plus largement, chacun trouve dans ce sport ce qu’il veut. Peut être même que la complexité et l’originalité de ce jeu expliquent son succès.