Reportage dans les pas de “Toto” à Castelnau-Magnoac
Extrait du Midi-Libre du 4/09/2023 par Dominique Mercadier
“Dès le dimanche matin, à la mise en place de l’équipe senior, Toto était avec nous. Il était haut comme ça (mime une petite taille). Il mangeait avec nous, s’échauffait avec nous. Pendant qu’on jouait, il se mettait derrière les poteaux et jouait avec ses potes. Au coup de sifflet final, ils prenaient tout le terrain. Et ça, qu’il vente, neige ou pleuve”, se marre Sébastien Bousquet, président du Magnoac FC. Joueur, dirigeant, entraîneur et maintenant président, “Seb” débute sa quarantième saison au club.
“Presque aussi puissant que le maire le prez’”, s’amuse Max, joueur actuel du club. “Je me souviendrai toujours d’un après-match en plein hiver. Mi-neige, mi-pluie toute la journée. Il n’y avait plus une trace de vert sur le terrain. Et pendant qu’on buvait une bière après la rencontre, on voit Toto arriver, ballon sous l’épaule, rempli de boue”, se souvient dans un sourire Sébastien.
Le Barthas
Voilà à quoi ressemblaient les dimanches de Toto. Une fois la nuit tombée, les affaires trempées et les crampons rentabilisés, il était temps de rentrer. Direction le domaine du Barthas. Une ferme rénovée par les grands-parents située à 300 mètres du stade, à l’entrée ouest du village. Une longue bâtisse en L, taillée dans la pierre.
Autour ? Des champs, des vaches et des vignes. C’est là qu’Antoine et Clément, son aîné de trois ans, grandissent. Que les joues charnues de Toto se développent. “On avait beaucoup de places, on passait nos après-midi dehors à jouer au foot ou au rugby. Mais les vrais moments de rassemblement, c’était au stade. On y passait des heures et des heures. Notre famille était très rugby. De nos grands-pères à nos mères, en passant par nos oncles”, se remémore Clément.
Le parcours d’Antoine Dupont
“Quand on voit “Toto” torse nu aujourd’hui, il ne fait pas rire. Plus jeune, c’était différent.”Sébastien Bousquet, président du Magnoac FC se souvient d’Antoine Dupont (26 ans) à l’école de rugby. “Il était petit mais assez “tignousse”, trapu. On hésitait à le faire jouer talon. Mais il était au-dessus. Un moment donné, il fallait lui dire d’arrêter de marquer. C’était une boucherie.” De 2001 à 2011, il est à l’école de rugby du FCM. Puis il est repéré par Auch, en cadets. “La première année, il était agacé parce qu’il ne jouait pas. La deuxième année, il a mis tout le monde d’accord”, raconte Sébastien.
En 2014, Castres le fait signer. Il y passera trois saisons. En novembre 2016, il connaît sa première cape avec les Bleus. Il en devient le patron à partir de la Coupe du monde 2019 (49sél. aujourd’hui). En 2017, il signe avec le Stade Toulousain et remporte pléthore de titres (une Coupe d’Europe, trois Top 14).
En plus d’être le domicile familial, le Barthas est un lieu d’accueil. “On vivait au rythme des fêtes et des mariages”, ajoute Kéké (oui, c’est le surnom de Clément).
La culture et le sens de l’accueil deviennent un héritage familial. À tel point qu’il y a deux ans, Toto et Kéké retapent le domaine, fermé en 2012 après le décès du grand-père. “Après quelques années de réflexion, on s’est enfin lancé. Ça nous tenait trop à cœur de redonner vie à ce lieu, perdurer la tradition des Dupont”, poursuit Clément.
L’Hôtel Dupont
Eh oui, Castelnau-Magnoac ne serait pas vraiment le village qu’il est sans les Dupont. La famille l’animait bien avant que Toto ne devienne Antoine Dupont, le rugbyman. À l’époque, et même encore aujourd’hui, on ne disait pas : “Je vais à Castelnau.”Mais : “Je vais chez les Dupont.”
C’est là qu’un troisième lieu emblématique entre dans la danse. Lui aussi a rythmé le quotidien des deux frangins. L’Hôtel Dupont, édifice repris par la famille à la fin du XVIIIe siècle, au cœur du village et à la devanture emblématique. Barthas est d’ailleurs une annexe de cet hôtel. Le restaurant de ce dernier devient mythique. Sa recette du magret en cocotte attire toute la région. Et devient la spécialité des Dupont.
“On est la huitième génération d’une famille d’hôteliers-restaurateurs. Quand on n’était pas chez nous ou au stade, on passait notre temps là-bas. On n’a jamais vraiment eu de nounous, on était souvent chez nos grands-parents à l’hôtel, au milieu des huit salariés qui le faisaient vivre. Il n’y avait pas une semaine sans qu’on y passe au moins une journée”, raconte Clément. Les parties de cache-cache dans ce bâtiment de quatre étages deviennent une tradition. Les cousinades et les grandes tablées aussi. “Quand on y pense, on ne s’ennuyait jamais. Et toutes les vacances scolaires, on les passait entre l’hôtel et la ferme avec nos cousins”, admet Clément.
Retour aux sources
L’ancrage familial à Magnoac est devenu, ces dernières années, la zone de ressource préférentielle de Toto. Pas de projecteurs, d’autographes ou de selfies à chaque coin de rue. Il préfère s’intéresser à la gestion du Barthas, mettre la main à la pâte si besoin à l’exploitation de Kéké. Car pendant qu’Antoine explosait au haut niveau en 2015, Clément reprenait l’élevage de porcs au côté de son tonton, Jean-Luc.
Et surtout, passage inévitable pour Toto, aller au stade voir les copains. “La force de Toto, c’est l’humilité. Dès qu’il peut, il vient s’entraîner avec nous, manger au club house. Comme s’il n’était jamais parti. Toutes les phases finales du club ces dernières saisons, il est venu. Bon, il est obligé de mettre casquette et lunettes quand les adversaires arrivent”, se marre Sébastien Bousquet. Histoire de rester le plus longtemps possible Toto le Magnoacais.
Le mot de Toto
“Il reste beaucoup de choses du Toto de Castelnau. Le joueur que je suis sur le terrain s’est construit ici. C’est là où j’ai passé le plus de temps avec un ballon dans les mains. Et c’est ça qui m’a formé. Tous les réflexes, les attitudes que j’ai en moi aujourd’hui, elles ont été formées quand j’avais 10 ans avec le ballon. C’est là que j’ai acquis pas mal de choses. De mon éducation, il en reste aussi beaucoup. Je suis encore très proche de tous mes potes d’enfance, de ma famille que je côtoyais quand j’étais petit. Lors de la dernière finale, ils étaient 25. C’est juste qu’aujourd’hui je joue dans des stades plus grands.